Chroniques RCF Jura – Colloque Épidémies et Pandémies à l’Institut Pasteur (4)

Publié le 03 février 2023
Société des Amis de Pasteur

Amis de Pasteur

Pasteur aujourd'hui

Retour sur le colloque à l’Institut Pasteur du 7 décembre 2022 : un programme abondant et riche avec des intervenants prestigieux, objet de 4 chroniques.

Pour écouter les chroniques d’Alain Marchal, cliquez ici.

Chronique du 3 Février– numéro 4

Avec les interventions de la chercheuse Odile Mercereau-Pujalon, du spécialiste des virus oncogènes Antoine Gessin ou encore de la directrice générale de l’OMS Monique Eloit.

Les thèmes abordés : Paludisme, passage du parasite des grands singes à l’homme, il y a 35 000 ans ! Transmission des virus oncogènes du singe à l’homme par le sang des animaux blessés.

Notre histoire retracée grâce à la génomique. La grippe aviaire devenue endémique. Comment s’arrêtent les épidémies ?

Colloque Epidémies et Pandémies à l’Institut Pasteur (4)

Nous poursuivons l’exploitation de ce formidable colloque « Epidémies et Pandémies : une histoire sans fin ? » à l’Institut Pasteur le 7 décembre dernier.

Odile MERCEREAU-PUJALON, chercheuse invitée à l’Institut Pasteur, traita du paludisme. L’exposé différait de ceux entendus au Val-de-Grâce, quelques semaines plus tôt : l’accent fut mis sur les passage des gorilles à l’homme pour Plasmodium falciparum, le parasite le plus dangereux, des grands singes ou singes d’Asie à l’homme il y a près de 35 000 ans, et du génome de toutes ces bestioles, y compris le gène de l résistance aux insecticides et pas seulement aux antipaludéens. Neuf laboratoires de l’institut Pasteur de Paris travaillent sur le paludisme…

Antoine GESSIN, spécialiste des virus oncogènes à l’Institut Pasteur, a beaucoup développé les relations entre ce virus T lymphotrope humain, responsable de myopathie et surtout une lympho-myélopathie (leucémie). Transmission du singe à l’homme par le sang ou les humeurs : chasseurs blessés par des singes, puis transmission intra-familiale par voie sexuelle par exemple.

La variole du singe a été repérée sur des macaques, les premiers cas humains en 1970, le réservoir en serait aujourd’hui les rongeurs. Pas de décès à déplorer en France. Le vaccin antivariolique est protecteur.

Lluis QUINTANA-MURCI, Unité de Génétique évolutive humaine, se spécialise à reconstruire l’histoire de notre espèce, grâce à la génomique, toujours. Nos gènes ont subi plus de 10 000 mutations ; 300 gènes sont inactivés et 50 à 100 gènes sont associés à des maladies génétiques. Les populations  ne supportent pas toutes le même fardeau des mutations. Le métissage apporte parfois des améliorations sur le plan sanitaire, immunitaire, etc.

Frédéric KECK, professeur d’Anthropologie sociale au Collège de France, chercheur CNRS, répond à « Comment la grippe aviaire est devenue endémique ? ». Le virus H5N1 est particulièrement fréquent chez les Fous de Bassan. En 1970, en Chine, le virus est repér sur canards et cochons. EN 1997,il serait passé des oiseaux à l’homme sans cochon intermédiaire. Les lâchés d’oiseaux dans les parcs pour des raisons traditionnelles ou religieuses ont favorisé la transmission à l’homme.

 Monique ELOIT, vétérinaire, directrice générale de l’OMS, développe « Epidémies et santé animale » et surtout le thème « One Health », ou Médecine vétérinaire et médecine humaine, une Médecine sans frontière. C’est un travail de longue haleine pour mobiliser les politiques, changer les comportements humains, etc.

Philippe SANSONETTI, microbiologiste bien connu, défenseur des vaccinations a traité : « Comment s’arrêtent les pandémies ? ». Un constat : la mortalité infantile de 150 /103 est tombée à 4/ 103 en cent ans. En cas d’épidémie, isolement et vaccination sont les mesures les plus efficaces.

Des arguments connus, certes, mais qu’il est bon de répéter, tant l’homme a tendance à relâcher les mesures préventives quand l’amélioration se profile ! Si je me suis attardé sur ce colloque à l’Institut Pasteur, c’est parce que nous avions affaire avec des spécialistes de haut niveau, qui se sont rendus disponibles pour nus entretenir de l’actualité des pandémies et des espoirs que nous apportent les travaux de tous ces chercheurs remarquables.

à bientôt, chers auditeurs et amis, …

Chronique du 27 Janvier – numéro 3

Étienne SIMON-LORIERE, génomique évolutive des virus à ARN (IP) : « évolution virale et variants chez SARS-COV-2 » par erreurs au cours des réplications et copies successives. Les conséquences sont aléatoires, nocives au virus ou à l’hôte par exemple.

Anna-Bella FAILLOUX, arbovirus et insectes vecteurs (IP) pour Maladies vectorielles et changement climatique ». Certaines maladies « exotiques », des cas autochtones sont en croissance en France (Dengue).

François BRAUN, ministre de la Santé, a insisté sur le rôle protecteur de la vaccination et son accessibilité facilitée (pharmacies, infirmiers…) et apprécié la nomination de Brigitte AUTRAN en août 2022 à la tête du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires.

Colloque Epidémies et Pandémies à l’Institut Pasteur (3)

Nous abordons la troisième chronique consacrée à un très riche colloque du 7 décembre dernier à l’Institut Pasteur intitulé « Epidémies et pandémies : une histoire sans fin ? »

Après l’épidémiologiste Arnaud FONTANET, ce fut au tour de Etienne SIMON-LORIERE, directeur de l’unité de génomique évolutive des virus à ARN à l’Institut Pasteur, bien sûr. Il développa le thème « SARS-COV-2, génétique de l’évolution virale et variants ». Cette évolution, que ce chercheur avait déjà étudiée chez EBOLA, est due aux erreurs dans les réplications et copies successives du virus. Un aspect rassurant, la plupart de ces erreurs sont nocives au virus, mais parmi celles qui survivent, certaines sont à l’origine de nouveaux clones. Jusqu’ici l’efficacité envers ces variants des tests PCR comme celle des anticorps monoclonaux ne sont pas affectées… mais le risque existe de l’échappement progressif à ces efficacités au fil des mutations ; celles-ci sont d’autant plus fréquentes que le virus circule trop activement.

Anna-Bella FAILLOUX, directrice de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs à l’Institut Pasteur, commença son exposé « Maladies vectorielles et changement climatique » en signalant que les premiers insectes sont apparus il y a 400 millions d’années et les premiers moustiques il y a 250 millions d’années !. Le cycle des moustiques a une phase aquatique pour les larves et les nymphes ; les Anophèles, transmetteurs nocturne de parasites unicellulaires du paludisme, préfèrent les marais, alors que les Aedes, vecteurs diurnes de virus préfèrent les eaux propres, à la différence aussi des Culex, vecteurs de virus et de filaires, apprécient les eaux sales. La période d’incubation extrinsèque est plus rapide quand la température s’élève, qui étend aussi la période d’activité des insectes.

L’urbanisation, la démographie et les mouvements de population favorisent la dissémination des maladies vectorielles, ainsi que les transports de bétail. Le virus de la Fièvre jaune par exemple est passé d’Afrique en Amérique par le commerce d’esclaves entre le XVe et le XIXe s. Aedes aegypti avait été éradiqué d’Amérique du Sud grâce au DDT ; après l’interdiction de cet insecticide, ce moustique est réapparu au Brésil. La fièvre jaune, qui avait disparu à Rio depuis 70 ans a fait son retour, contaminant humains et singes urbanisés. Un autre phénomène est l’acquisition de compétence par des moustiques de Thaïlande à héberger des virus africains… Et chez nous, en France, la Dengue arrivée en 2002 de façon très sporadique a provoqué 67 cas autochtones en 2022, c’est-à-dire non importés par des voyageurs ou migrants.

Nous avons eu ensuite l’intervention du ministre de la santé et de la prévention, François BRAUN, franc-comtois originaire de Belfort. Saluant Pasteur, il insista sur les bienfaits prouvés depuis longtemps des vaccinations, rappelant que le passage de 3 à 11 vaccins obligatoires dans la petite enfance n’a pas rencontré l’opposition qu’ont connu les vaccins contre la grippe et le COVID-19 (SARS-COV-2) seulement recommandé aux adultes, mais avec insistance, et rendu obligatoire pour les soignants hospitaliers. La facilité d’accès aux vaccins a été accrue par l’habilitation des pharmaciens et infirmiers à les inoculer.

Le rapprochement entre scientifiques et politiques a été souligné également, citant la nomination récente (1er août 2022) de Brigitte AUTRAN, professeur émérite à la faculté de médecine de Sorbonne Université, à la présidence du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires. Riche d’une carrière hospitalière (Hop. Claude Bernard et Pitié-Salpêtrière), elle aura la tâche de déceler les prémices d’épidémies ou autres risques de santé publique, d’exploiter les modélisations prédictives et d’informer les politiques pour envisager précocement les mesures à prendre.

La suite la semaine prochaine !

à bientôt, chers auditeurs et amis, …

Chronique du 20 Janvier – numéro 2

Stewart COLE, directeur général de l’IP, a traité de La tuberculose, une épidémie oubliée, elle aussi éclipsée par la COVID-19 : chute des dépistages et déclarations, détournement des financements vers COVID, progression en Afrique subsaharienne…

Laura SPINNEY, journaliste britannique et romancière scientifique, a évoqué la Grippe dite espagnole de 1918, ses débuts officiels, ses dégâts sanitaires et psychologiques.

Armand FONTANET, épidémiologiste très médiatisé de l’IP, a évoqué les disparités des attitudes officielles, les statistiques peu fiables en Russie, Chine, etc., la méfiance entre populations et scientifiques, voire les théories complotistes et la maturité de la modélisation mathématique.

Colloque Epidémies et Pandémies à l’Institut Pasteur (2)

Nous n’aurons pas assez de deux chroniques pour explorer l’essentiel des interventions de ce Colloque du 7 décembre dernier à l’Institut Pasteur consacré à « Epidémies et Pandémies : une histoire sans fin ? ».

Stewart COLE, actuel directeur général de cet Institut, a traité de La tuberculose, une épidémie oubliée… alors que de 1800 à 2013, elle est responsale de 10 milliards de morts ! La suppression du Vaccin BCG obligatoire en France peut nous faire penser que son danger est écarté. Évaluation récente : en 2021 près de 11 millions de cas dans le monde responsables de 1,6 millions de morts. L’Asie est la plus touchée, l’Inde connaît environ 3 millions de nouveaux cas par an ! Les progrès de la génomique et des techniques bactériologiques permet aujourd’hui une identification et un antibiogramme en moins de 2 heures. Quand j’exerçais en laboratoire, il fallait 3 semaines pour obtenir une culture et trois autres au moins pour lire un antibiogramme sur le bacille tuberculeux isolé chez un malade.

De nouveaux vaccins n’ont pas permis de plus grande efficacité que le BCG ; des antibiotiques spécifiques récents sont beaucoup plus efficaces en particulier sur les bacilles résistants aux molécules plus classiques.

Ici encore, la COVID-19 a eu un impact désastreux sur la tuberculose : chute énorme des dépistages et déclarations par détournement des financements vers COVID, augmentation de l’incidence et de la mortalité par tuberculose, particulièrement en Afrique subsaharienne.

Ce fut ensuite l’intervention d’une journaliste britannique, Laura SPINNEY, au Journal The Guardian et de revues scientifiques comme Nature. Ecrivaine, elle a publié en 2017 un ouvrage d’investigation sur la Grippe dite espagnole de 2018, sous le titre Pale Rider, traduit en allemand Die Welt im Fieber puis en français La grande tueuse, qui a fait peut-être 3 fois plus de morts que la grande guerre ! Ce fut le thème de son intervention, très précise sur le départ de la pandémie : premiers cas officiels aux USA, dans un camp militaire du Kansas, mais probablement antérieure et d’origine aviaire. Pourquoi « espagnole » ? C’est l’Espagne, neutre dans le conflit, qui a été la première à signaler le caractère pandémique de cette grippe.

Armand FONTANET, épidémiologiste à l’Institut Pasteur, qui est souvent intervenu à ce titre sur nos écrans à propos de la COVID-19, a donné un titre amusant à sa conférence : Le SARS-COV2 mérite-t’il sa couronne ? Au titre des décès causés : 20 millions de surmortalité dont 150 000 en France ! Pour les séquelles post-réanimation et COVID long (fatigue, neurologiques, respiratoires…), et pour les maladies mentales induites et ses répercussions sur l’éducation des enfants. La surmortalité est très forte en Russie et en Europe de l’Est, mais les statistiques chinoises ne sont pas très fiables… Le conflit entre science et désinformation a été souligné, cette dernière ayant fait beaucoup de dégâts et nui aux bonnes pratiques de protection, gestes barrières et vaccination. Ce n’est pas nouveau : si vous êtes auditeurs de l’Université Ouverte, ne manquez pas la seconde conférence d’Edmond DZIEMBOWSKI sur les théories complotistes pendant la Révolution française, il y a tout de même près d’un quart de millénaire !

Mais terminons avec Armand FONTANET. La maturité de la modélisation mathématique, grandement améliorée au cours de cette pandémie, a montré son efficacité dans l’exactitude des prévisions de pics de contagion, de pic d’affluence hospitalière et au retour de vagues…

à bientôt, chers auditeurs et amis, …

Chronique du 13 Janvier – numéro 1

Madame Sylvie RETAILLEAU, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a insisté sur le rôle important de l’Institut Pasteur (recherche, partenariat, découvertes, épidémiologie) pendant cette pandémie COVID-19.

Dr Patrick BERCHE, président de la Sté Française d’Histoire de la Médecine, a porté un regard d’historien sur les pandémies.

Françoise BARRÉ-SINOUSSI, pasteurienne prix Nobel de Médecine, a montré les conséquences de la COVID-19 sur la pandémie de SIDA.

Colloque Epidémies et Pandémies à l’Institut Pasteur (1)

Les manifestations saluant le bicentenaire de Pasteur sont derrière nous, mais il me faut revenir sur deux évènements scientifiques parisiens, l’un à l’Institut Pasteur le 7 décembre dernier, le second le 8 décembre à l’Institut de France, impliquant l’académie des sciences et l’académie française.

Il m’est impossible de développer les diverses interventions, qui mériteraient chacune une chronique entière… Il fut évidemment beaucoup question de cette pandémie COVID-19 aux vagues successives et au niveau mondial.

A l’Institut Pasteur, le thème général était désigné par « Epidémies et pandémies : une histoire sans fin ? ».

Madame Sylvie RETAILLEAU, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a insisté sur le rôle important de l’Institut Pasteur dans cette pandémie. 500 chercheurs impliqués dans des travaux sur le SARCOV-2 plus les 33 membres du Pasteur Network, nouvelle dénomination du Réseau international des IP. 475 publications, 112 contrats de collaboration, 105 inventions ayant entraîné brevets et transmission à des start-up ! Une allusion appuyée sur la nécessité d’indicateurs de santé psychique face aux facteurs de crise (guerre, difficultés énergétiques et économiques à intégrer dans la lutte contre épidémies et pandémies.

Docteur Patrick BERCHE, ancien doyen de la Faculté de médecine Paris-Descartes et président de la Société Française d’Histoire de la Médecine, porta un regard historique sur les pandémies. Elles concernent un agent infectieux, un hôte et leur environnement. C’est le comportement humain, qui est le facteur dominant dans le développement des épidémies/pandémies, du néolithique à la Renaissance et aux temps modernes. La démographie, l’urbanisation et les transports accélérés sont des facteurs de premier ordre, viennent ensuite les facteurs de risques (diabète, obésité…).

Les modes de diffusion sont principalement la voie arienne favorisant une diffusion rapide, ainsi pour Variole, grippe, COVID. Ce dernier a provoqué 15 millions de morts dans le monde à fin novembre 2022, alors que pour le SARS-COV de 2002-2003 n’avaient été recensés que 8346 cas et 646 décès (soit 7,8%). La transmission par voie vénérienne ou sanguine est plus lente comme pour VIH/SIDA et Hépatites B et C. Ces hépatites n’affectent que 0.2 à 0.3% de la population française, mais 5% de la population mondiale.

Françoise BARRÉ-SINOUSSI, de l’Institut Pasteur et prix Nobel, évoqua le défi VIH/SIDA en temps de pandémie COVID-19. Les leçons du SIDA ont servi dans la pandémie COVID, même s’il y eut beaucoup d’erreurs de communication ; mais il y eut des effets négatifs de la COVID-19 sur l’épidémie de SIDA, qui est loin d’être terminée. Détournement des financements vers la COVID, alors qu’on évalue à un nouvel infecté toutes les 2 minutes par HIV dans le monde chez les jeunes, ados et jeunes femmes. Alors qu’on avait noté la plus forte décroissance du SIDA depuis 2016, l’épidémie est repartie à la hausse en Afrique du Sud depuis la COVID-19. De plus, est observée une persistance du virus détectable sous anti-rétroviraux comme dans le COVID-long.

Gardons la leçon humaniste de Pasteur : « solidarité, équité et partage des connaissances », concluait Françoise BARRÉ-SINOUSS, à rapprocher de la conclusion de Stewart COLE, le directeur général de l’Institut Pasteur, citant Louis Pasteur : « Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours ». C’était dans son intervention sur la tuberculose, que je relaterai la semaine prochaine.

Je reviendrai sur cette journée dans mes prochaines chroniques.

à bientôt, chers auditeurs et amis, …